Simulation des grandes échelles (SGE) des écoulements monophasiques : enjeux et recherches
La simulation des grandes échelles (SGE ou LES en anglais pour Large-Eddy Simulation) propose une voie intermédiaire entre les approches moyennées RANS et l’approche directe SND.
Contrairement à l’approche RANS, La SGE permet d’accéder aux grandeurs fluctuantes des écoulements sans recourir comme la SND, à la résolution de toutes les échelles spatio-temporelles. les effets des petites échelles non résolues (dites « filtrées ») sur les plus grandes étant alors modélisés.
Les différentes modélisations proposées en SGE (modèle de Smagorinsky, WALE, fonction de structure …) posant comme condition première le caractère isotropique de l’écoulement au niveau des plus petites structures résolues, une telle approche nécessite l’utilisation d’une discrétisation particulièrement fine.
En pratique sur des cas industriels, et malgré l’utilisation de maillages constitués de plusieurs millions d’éléments, la condition d’isotropie énoncée précédemment est inabordable du point de vue du coût numérique (CPU) au voisinage des parois.
Ainsi, les parois, zones de production de la turbulence (caractérisées par des structures cohérentes de très petites dimensions, appelées streaks en anglais (voir image ci-dessus)) sont donc traitées dans le contexte industriel suivant une discrétisation bien supérieure à la taille de ces structures.
Le caractère « universel » des modèles SGE ne pouvant correctement rendre compte de la topologie particulière de l’écoulement dans de telles zones, une modélisation spécifique doit être mise en œuvre en paroi pour tenter de reproduire au mieux les effets de la paroi sur le reste de l’écoulement. Ceci s’effectue par l’intermédiaire de modèles appelés : lois de parois.
Les lois de paroi en SGE monophasique
Problématique générale
Les écoulements de l’industrie nucléaire sont généralement caractérisés par des nombres de Reynolds élevés, la présence de fortes différences de température ainsi que des phénomènes instationnaires de fréquences faibles à modérées.
Les nombres de Reynolds rendant prohibitifs leur simulation directe (SND), deux approches sont donc privilégiées : les simulations moyennées (RANS) et au grandes échelles (SGE), avec l’aide de modèles de paroi (lois de paroi). Au cours de ces dernières années, plusieurs travaux de recherche ont été conduits dans le cadre du projet TrioCFD afin d’améliorer ces modèles de parois dans le cadre des écoulements pré-cités.
Application du couplage RANS/LES aux écoulements turbulents à haut nombre de Reynolds de l’industrie nucléaire
Dans le cadre de cette recherche, on a exhibé les principaux défauts des simulations des grandes échelles avec un modèle de paroi standard dans une configuration de canal plan bi-périodique dans un contexte de maillage grossier représentatif d'une résolution "industrielle". Dans ce cadre, deux approches basées sur une stratégie de couplage RANS-LES ont été proposées.
La première repose sur l’application du modèle de paroi TBLE (Thin Boundary Layer Equation) à une simulation des grandes échelles, qui consiste à résoudre des équations de couche limite simplifiées et instationnaires avec une modélisation de type RANS dans la zone proche paroi. La seconde consiste à réaliser simultanément un calcul RANS et une simulation des grandes échelles dont le champ moyen sera corrigé grâce au calcul RANS par l’intermédiaire d’un terme de forçage. Ces différentes méthodes de modélisations ont été implémentées dans TrioCFD.
Les configurations étudiées ont été le canal plan bi-périodique et un écoulement pariétal dans une matrice d’obstacles cubiques. Les deux approches ont fournis des résultats encourageants et ont permis d’effectuer des simulations instationnaires à un coût numérique réduit.
(L'image représente les iso-surfaces des fluctuations du champ de vitesse obtenues dans le sous-maillage TBLE).
Modélisation de paroi pour la simulation d’écoulements instationnaires non-isothermes
Dans le cadre de cette recherche, on présente d'abord la dérivation d'une loi de paroi algébrique prenant en compte les effets de densité variable, ainsi que l'adaptation d'un modèle à approche zonale (modèle TBLE présenté ci-dessus) pour les écoulements non-isothermes. Ces modèles, dédiés respectivement aux simulations RANS et à la SGE, ont été validés pour les écoulements quasi-isothermes, puis testés sur des configurations académiques et industrielles avec succès. Ensuite, une investigation sur les effets instationnaires dans la modélisation de paroi a été réalisée par SND d'écoulements de scalaires passifs pulsés temporellement.
Deux types de forçage ont été envisagés : par l'écoulement externe ; par la paroi. Plusieurs fréquences et amplitudes ont été explorées, permettant de capturer les effets instationnaires dans la couche limite, et de générer une base de données pour la validation de modèles de paroi dans ce contexte. La réponse dynamique de deux modèles de paroi ont été calculées et ont montré qu'un modèle de type approche zonale produit de meilleurs résultats pour la simulation d'écoulements instationnaires. (L''image ci-dessus représente le champ de température instantané obtenu par simulation LES dans une lame fluide correspondant au fonctionnement nominal d'un assemblage de réacteur à coloporteur gaz).